Lorsque j’ai choisi d’ouvrir Pour une écologie des images par un hommage à Imre Kinszki, mon grand-oncle photographe disparu en 1945 à l’âge de quarante-quatre ans, j’étais loin de connaître toutes ses photographies et tous ses écrits. Entre-temps — et l’entre-temps sera sans doute ici l’essentiel —, j’en ai collectionnés beaucoup d’autres, en les glanant notamment dans des revues auxquelles il a contribué et dans diverses archives. Ils ne représentent certes qu’une petite partie de son œuvre. Mais ils me permettront de donner un aperçu de l’importance de son travail photographique et de sa pensée qui, à tant d’égards, nous parlent d’avance — dans un entre-temps, précisément, auquel on prêtera l’oreille — des questions écologiques et iconomiques auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui 1.

Pour l’hommage-montage qui suit, j’ai rassemblé et traduit un certain nombre d’extraits puisés dans les écrits d’Imre Kinszki afin d’accompagner chaque fois, telles des légendes volontairement obliques ou dissonantes, un diptyque d’images dont il est l’auteur. Entre celles-ci et les mots qui semblent les gloser, il y a donc, délibérément, ce qu’on pourrait appeler un effet de bougé. Comme si, du cliché à ce qui paraît être son commentaire, s’était glissé un retard ou une avance — un entre-temps, justement—, une discordance temporelle.

Dans ce qui nous apparaît rétrospectivement comme une anticipation saisissante, les textes d’Imre Kinszki, en effet, parlent non seulement des temps à venir (de la disparition des espèces menacées, des transformations environnementales majeures) mais aussi des durées plus ou moins longues de l’iconogenèse photographique (l’attente patiente du moment opportun dans la prise de vue naturaliste, la lenteur du développement). Tandis que ses images conjuguent également des temporalités hétérochrones, comme suspendues dans un différentiel de vitesses arrêté : ce qu’elles offrent au regard, c’est le caractère éphémère d’un rayon lumineux ou d’une ombre, c’est le mouvement d’une balançoire ou le passage du dirigeable Zeppelin au-dessus de Budapest, c’est la démolition d’un immeuble, ce sont les blocs de glace accumulés sur le Danube gelé ou le sommeil d’un livreur pendant que mange son cheval…

Toutes les photographies que j’ai rassemblées dans cet album-hommage font partie du fonds de la bibliothèque Ervin Szabó à Budapest, qui conserve nombre de vues et de scènes ayant pour sujet ou cadre la capitale hongroise. Les extraits des textes d’Imre Kinszki que j’ai traduits du hongrois en guise de légendes décalées sont tirés quant à eux d’un essai, A természet háztartása (« L’économie domestique de la nature »), publié en janvier-février 1919 dans Huszadik század (« Vingtième siècle », une importante revue de sociologie qui joua un rôle de premier plan dans la révolution social-démocrate de 1918, avant d’être interdite l’année suivante) ; ainsi que de trois articles illustrés par les photographies d’Imre Kinszki lui-même et parus dans Búvár (une revue de vulgarisation scientifique dont le titre signifie « plongeur » ou « scaphandrier », mais aussi, au sens dit figuré, un chercheur qui se plonge dans l’exploration d’un thème) : Mikor jó a textiláru (« Qu’est-ce qu’un bon tissu ») en février 1935, Természet fényképezés (« Photographie naturaliste ») en août 1935 et Természetfényképezés egyszerű eszközökkel (« Photographie naturaliste avec des moyens simples ») en juillet 1937.

Je remercie chaleureusement Judít Kinszki pour m’avoir autorisé à reproduire les photographies ainsi que les extraits des écrits de son père. L’étude de référence sur la vie et l’œuvre d’Imre Kinszki reste celle de Marianna Kiscsatári, « Kinszki Imre (1901-1945) », Fotómüveszet, vol. 28, n° 5-6 (1995).

Peter Szendy

1.
« L’époque de l’anthropomorphisme rude et primitif est sans aucun doute révolue dans la science. Aucun chercheur sérieux ne croit plus que les arbres sont là pour donner de l’ombre à l’homme, les animaux pour lui offrir une nourriture savoureuse ou le ciel pour qu’il s’émerveille lorsqu’il le voit habillé de pourpre et de violet au crépuscule. Cet anti-anthropomorphisme va même plus loin : il fait descendre l’homme de son piédestal de « maître de la nature », il l’exhorte à la modestie en lui expliquant qu’il n’est qu’un grain de poussière dans la création, que son importance est infime dans le tout de la vie sur terre. » (Imre Kinszki, « L’économie domestique de la nature », p. 56)

  • 1a. Imre Kinszki, <em>A piarista gimnázium alatti átjáró</em> (« Le passage souterrain sous le lycée piariste »), vers 1930. Toutes les photographies Courtesy Judít Kinszki © FSZEK – Metropolitan Ervin Szabó Library, Budapest
    1a. Imre Kinszki, A piarista gimnázium alatti átjáró (« Le passage souterrain sous le lycée piariste »), vers 1930. Toutes les photographies Courtesy Judít Kinszki © FSZEK – Metropolitan Ervin Szabó Library, Budapest
    « L’époque de l’anthropomorphisme rude et primitif est sans aucun doute révolue dans la science. Aucun chercheur sérieux ne croit plus que les arbres sont là pour donner de l’ombre à l’homme, les animaux pour lui offrir une nourriture savoureuse ou le ciel pour qu’il s’émerveille lorsqu’il le voit habillé de pourpre et de violet au crépuscule.
  • 1b. Imre Kinszki, <em>Járókelők egy villa díszrácsos kapuja előtt</em> (« Piétons devant la grille ornementale d’une villa »), 1933 © FSZEK
    1b. Imre Kinszki, Járókelők egy villa díszrácsos kapuja előtt (« Piétons devant la grille ornementale d’une villa »), 1933 © FSZEK

    Cet anti-anthropomorphisme va même plus loin : il fait descendre l’homme de son piédestal de « maître de la nature », il l’exhorte à la modestie en lui expliquant qu’il n’est qu’un grain de poussière dans la création, que son importance est infime dans le tout de la vie sur terre. »


    (Imre Kinszki, “L’économie domestique de la nature”, p. 56)

2.
« Dans la vaste économie domestique de la nature, le vent, la pluie, chaque petite pierre, chaque petite plante, chaque espèce animale a son « rôle ». Et cette importance qu’ils ont les revêt d’une valeur objective correspondante qui contraste avec notre évaluation étroite, subjective, mesquine, fondée sur leur utilité ou nocivité pour nous. » (Imre Kinszki, « L’économie domestique de la nature », p. 56)

  • 2a. Imre Kinszki, <i>Pihenő szállítómunkás fekszik egy lovas kocsi szállítmányán</i> (« Un livreur se repose couché sur le chargement de sa charrette »), 1934 © FSZEK
    2a. Imre Kinszki, Pihenő szállítómunkás fekszik egy lovas kocsi szállítmányán (« Un livreur se repose couché sur le chargement de sa charrette »), 1934 © FSZEK

    « Dans la vaste économie domestique de la nature, le vent, la pluie, chaque petite pierre, chaque petite plante, chaque espèce animale a son “rôle”.
  • 2b. Imre Kinszki, <i>Járókelők esőben</i> (« Piétons sous la pluie »), 1932 © FSZEK
    2b. Imre Kinszki, Járókelők esőben (« Piétons sous la pluie »), 1932 © FSZEK

    Et cette importance qu’ils ont les revêt d’une valeur objective correspondante qui contraste avec notre évaluation étroite, subjective, mesquine, fondée sur leur utilité ou nocivité pour nous. »


    (Imre Kinszki,“L’économie domestique de la nature”, p. 56)

3.
« Bien entendu, la désagrégation de l’ordre ancien serait d’autant plus vaste que les êtres disparaissant ensemble de la surface de la terre y auraient été plus originels et plus répandus. Elle serait d’autant plus conséquente que le système des adaptations qui s’est construit sur ces êtres serait plus puissant et plus complexe. Mais les expériences vécues montrent que, même lorsqu’il s’agit d’espèces animales ou végétales relativement jeunes, l’effet de leur raréfaction ou de leur extinction peut être considérable. » (Imre Kinszki, « L’économie domestique de la nature », p. 58)

  • 3a. Imre Kinszki, <em>Feltorlódott jégtáblák a Dunán</em> (« Blocs de glace amassés sur le Danube »), 1928 © FSZEK
    3a. Imre Kinszki, Feltorlódott jégtáblák a Dunán (« Blocs de glace amassés sur le Danube »), 1928 © FSZEK

    « Bien entendu, la désagrégation de l’ordre ancien serait d’autant plus vaste que les êtres disparaissant ensemble de la surface de la terre y auraient été plus originels et plus répandus. Elle serait d’autant plus conséquente que le système des adaptations qui s’est construit sur ces êtres serait plus puissant et plus complexe.
  • 3b. Imre Kinszki, <em>Az Orczy-ház bontása</em> (« La démolition de la maison Orczy »), 1932 © FSZEK
    3b. Imre Kinszki, Az Orczy-ház bontása (« La démolition de la maison Orczy »), 1932 © FSZEK

    Mais les expériences vécues montrent que, même lorsqu’il s’agit d’espèces animales ou végétales relativement jeunes, l’effet de leur raréfaction ou de leur extinction peut être considérable. »


    (“L’économie domestique de la nature”, p. 58)

4.

« La “valeur” de l’être vivant en question, supposément donnée par son “rôle” dans “l’économie domestique de la nature”, exprime simplement combien sa préservation est désirable pour l’homme. Ce fondement anthropocentrique peut être caché mais non éliminé par tout l’édifice conceptuel qui s’est construit dessus.

Notre brève analyse a donc montré que l’idéologie de “l’économie domestique de la nature” n’est autre que le compromis de l’ancienne conception de la nature avec celle d’aujourd’hui : à savoir la survivance des éléments théistes sous couvert d’une tendance à l’objectivité. Et ce n’est pas la première qui, dans le compromis, est la plus mal servie, car si la seconde ne fait que fournir la forme de l’anti-anthropomorphisme, celle-là a pu y faire passer en contrebande deux éléments importants de son contenu : le fait que la nature tend vers un but, qui n’est autre que l’homme. » (Imre Kinszki, « L’économie domestique de la nature », p. 58)

  • 4a. Imre Kinszki, <em>A főváros köztisztasági vállalatának víztartályos lovas fogata</em> (« L’attelage de la citerne de la société de nettoyage de la capitale »), 1936 © FSZEK
    4a. Imre Kinszki, A főváros köztisztasági vállalatának víztartályos lovas fogata (« L’attelage de la citerne de la société de nettoyage de la capitale »), 1936 © FSZEK

    « La “valeur” de l’être vivant en question, supposément donnée par son “rôle” dans “l’économie domestique de la nature”, exprime simplement combien sa préservation est désirable pour l’homme . Ce fondement anthropocentrique peut être caché mais non éliminé par tout l’édifice conceptuel qui s’est construit dessus.
  • 4b. Imre Kinszki, <em>Az Állatkert közönsége</em> (« Le public du zoo »), 1931 © FSZEK
    4b. Imre Kinszki, Az Állatkert közönsége (« Le public du zoo »), 1931 © FSZEK


    Notre brève analyse a donc montré que l’idéologie de “l’économie domestique de la nature” n’est autre que le compromis de l’ancienne conception de la nature avec celle d’aujourd’hui : à savoir la survivance des éléments théistes sous couvert d’une tendance à l’objectivité. Et ce n’est pas la première qui, dans le compromis, est la plus mal servie, car si la seconde ne fait que fournir la forme de l’anti-anthropomorphisme, celle-là a pu y faire passer en contrebande deux éléments importants de son contenu : le fait que la nature tend vers un but, qui n’est autre que l’homme.


    (“L’économie domestique de la nature”, p. 58)

5.

« Nous avons acheté une toile, de la soie, un tissu. N’avons-nous pas fait une mauvaise affaire ? N’y a-t-il pas quelque substitut de plus mauvaise qualité dans le tissu “bon marché, mais excellent” ? Est-ce que le matériau “le plus fin” acheté à grands frais correspondra au but auquel il doit servir ? Quelques éléments d’information ne transformeront certes personne en un spécialiste impossible à tromper, mais on pourra découvrir certains concepts parmi les plus importants dans ce qui suit. » (Imre Kinszki, « Qu’est-ce qu’un bon tissu », p. 89)

  • 5a. Imre Kinszki, <em>Mikor jó a textiláru</em> (« Qu’est-ce qu’un bon tissu »), p. 1 (détail), 1935 © FSZEK
    5a. Imre Kinszki, Mikor jó a textiláru (« Qu’est-ce qu’un bon tissu »), p. 1 (détail), 1935 © FSZEK

    « Nous avons acheté une toile, de la soie, un tissu. N’avons-nous pas fait une mauvaise affaire ? N’y a-t-il pas quelque substitut de plus mauvaise qualité dans le tissu “bon marché, mais excellent” ? Est-ce que le matériau “le plus fin” acheté à grands frais correspondra au but auquel il doit servir ?

  • 5b. Imre Kinszki, <em>Utca ellenfényben</em> (« Rue à contre-jour »), 1935 © FSZEK
    5b. Imre Kinszki, Utca ellenfényben (« Rue à contre-jour »), 1935 © FSZEK


    Quelques éléments d’information ne transformeront certes personne en un spécialiste impossible à tromper, mais on pourra découvrir certains concepts parmi les plus importants dans ce qui suit. »


    (“Qu’est-ce qu’un bon tissu”, p. 89)

6.

« Photographier des plantes et des fleurs n’est pas trop difficile, mais en un sens ce n’est pas non plus très satisfaisant car, dans les images, il manque le mouvement, l’élément de l’événement, précisément ce dont la représentation est l’une des des ambitions propre à la photographie. » (Imre Kinszki, « Photographie naturaliste », p. 559)

  • 6a. Imre Kinszki, <em>Elöntött utcán</em> (« Dans une rue inondée »), vers 1930 © FSZEK
    6a. Imre Kinszki, Elöntött utcán (« Dans une rue inondée »), vers 1930 © FSZEK

    « Photographier des plantes et des fleurs n’est pas trop difficile, mais en un sens ce n’est pas non plus très satisfaisant car, dans les images, il manque le mouvement, l’élément de l’événement, […]
  • 6b. Imre Kinszki, <em>Fénycsíkok a Lánchíd budai villamos-aluljáróban</em> (« Traits de lumière dans le passage souterrain du tramway au Pont des chaînes de Buda »), vers 1930 © FSZEK
    6b. Imre Kinszki, Fénycsíkok a Lánchíd budai villamos-aluljáróban (« Traits de lumière dans le passage souterrain du tramway au Pont des chaînes de Buda »), vers 1930 © FSZEK

    […] précisément ce dont la représentation est l’une des tâches les plus propres de la photographie. »


    (“Photographie naturaliste”, p. 559)

7.

« On ne peut pas pratiquer la photographie des plantes “comme ça, en plus”, à la manière d’un divertissement accompagnant des excursions, car elle exige beaucoup de temps libre, de résistance, de patience. Qu’il suffise de rappeler que, en plein air, le vent souffle sans cesse et que bien souvent il faut attendre pendant des demi-heures qu’une accalmie se produise. Les plus malins parmi ceux qui photographient des plantes se lèvent donc plutôt à l’aube et ils photographient la fleur de leur choix (surtout s’il s’agit d’un spécimen à tige longue) dans les heures qui suivent le lever du soleil, lorsque le vent ne souffle pas encore. » (Imre Kinszki, « Photographie naturaliste », p. 559-561)

  • 7a. Imre Kinszki, <em>Kinszki Imre fényképezés közben egy erdőben</em> (« Imre Kinszki en train de photographier dans la forêt »), 1936 © FSZEK
    7a. Imre Kinszki, Kinszki Imre fényképezés közben egy erdőben (« Imre Kinszki en train de photographier dans la forêt »), 1936 © FSZEK

    « On ne peut pas pratiquer la photographie des plantes “comme ça, en plus”, à la manière d’un divertissement accompagnant des excursions, car elle exige beaucoup de temps libre, de résistance, de patience. Qu’il suffise de rappeler que, en plein air, le vent souffle sans cesse et que bien souvent il faut attendre pendant des demi-heures qu’une accalmie se produise.
  • 7b. Imre Kinszki, <em>Lámpagyújtogató</em> (« Allumeur de réverbères »), 1931 © FSZEK
    7b. Imre Kinszki, Lámpagyújtogató (« Allumeur de réverbères »), 1931 © FSZEK

    Les plus malins parmi ceux qui photographient des plantes se lèvent donc plutôt à l’aube et ils photographient la fleur de leur choix (surtout s’il s’agit d’un spécimen à tige longue) dans les heures qui suivent le lever du soleil, lorsque le vent ne souffle pas encore. »


    (« Photographie naturaliste », p. 559-561)

8.

« Le principe de base, c’est qu’il ne faut pas “pourchasser” l’oiseau et risquer qu’il s’enfuie ; il faut plutôt l’habituer lentement à l’appareil, ce qu’on peut parfois réussir de manière remarquablement aisée. […] Pour photographier des espèces plus prudentes à proximité de leur nid, on utilise habituellement un déclenchement à distance. On positionne alors convenablement l’appareil près du nid ; si possible, on le cache soigneusement et soit on le déclenche soi-même à distance grâce à un fil adéquat ou à l’aide d’un dispositif électrique, soit on s’arrange pour que ce soit l’oiseau lui-même qui le déclenche s’il se pose sur une certaine branche préparée à cet effet, etc. » (Imre Kinszki, « Photographie naturaliste », p. 560)

  • 8a. Imre Kinszki, <em>Fénykép készül a parkban, sétáló emberek</em> (« Une photographie se prépare dans le parc, promeneurs »), 1935 © FSZEK
    8a. Imre Kinszki, Fénykép készül a parkban, sétáló emberek (« Une photographie se prépare dans le parc, promeneurs »), 1935 © FSZEK

    « Le principe de base, c’est qu’il ne faut pas “pourchasser” l’oiseau et risquer qu’il s’enfuie ; il faut plutôt l’habituer lentement à l’appareil, ce qu’on peut parfois réussir de manière remarquablement aisée. […]

  • 8b. Imre Kinszki, <em>Fénykép készül a parkban, sétáló emberek</em> (« Une photographie se prépare dans le parc, promeneurs »), 1935 © FSZEK
    8b. Imre Kinszki, Fénykép készül a parkban, sétáló emberek (« Une photographie se prépare dans le parc, promeneurs »), 1935 © FSZEK

    Pour photographier des espèces plus prudentes à proximité de leur nid, on utilise habituellement un déclenchement à distance. On positionne alors convenablement l’appareil près du nid ; si possible, on le cache soigneusement et soit on le déclenche soi-même à distance grâce à un fil adéquat ou à l’aide d’un dispositif électrique, soit on s’arrange pour que ce soit l’oiseau lui-même qui le déclenche s’il se pose sur une certaine branche préparée à cet effet, etc. »


    (« Photographie naturaliste », p. 560)

9.

Il faut effectuer le développement des clichés avec beaucoup de soin, uniquement dans une solution douce aux effets égalisants, d’abord parce que, la photographie étant prise de très près, les oppositions, les contrastes lumineux sont extrêmement grands ; et ensuite parce que, lors de l’agrandissement, un grain qui ne serait pas assez fin aurait un effet particulièrement gênant. (Imre Kinszki, « Photographie naturaliste », p. 561)

  • 9a. Imre Kinszki, <em>Friss újság</em> (« Nouvelles fraîches »), 1932 © FSZEK
    9a. Imre Kinszki, Friss újság (« Nouvelles fraîches »), 1932 © FSZEK

    « Il faut effectuer le développement des clichés avec beaucoup de soin, uniquement dans une solution douce aux effets égalisants, d’abord parce que, la photographie étant prise de très près, les oppositions, les contrastes lumineux sont extrêmement grands ;
  • 9b. Imre Kinszki, <em>A Keleti pályaudvar várócsarnoka</em> (« Le hall d’attente de la gare de l’Est »), 1934 © FSZEK
    9b. Imre Kinszki, A Keleti pályaudvar várócsarnoka (« Le hall d’attente de la gare de l’Est »), 1934 © FSZEK

    et ensuite parce que, lors de l’agrandissement, un grain qui ne serait pas assez fin aurait un effet particulièrement gênant. »

    (“Photographie naturaliste”, p. 561)

10.

« En usant d’un terme scientifique, on appelle écologie, à savoir science de l’habitat, cette branche des sciences de la vie qui examine les relations, les rapports entre les êtres vivants et leur environnement, leur habitat. Immortaliser les écarts, les variations de ces rapports est aussi la tâche du photographe naturaliste. L’expansion des zones habitées et des villes influe fortement sur la flore et la faune de la région, en contraignant souvent les espèces qui y vivent à adopter de nouvelles habitudes, à s’adapter. […] En Angleterre, aux États-Unis, la photographie naturaliste est aujourd’hui devenue quasiment un sport de masse et celui qui la pratique n’y trouve presque plus de territoires inexploités ; tandis que chez nous, c’est encore pour ainsi dire une zone inexplorée, où même le débutant peut s’enrichir à chaque pas de découvertes intéressantes. » (Imre Kinszki, « Photographie naturaliste », p. 562)

  • 10a. Imre Kinszki, <em>Gyerekek egy vízfolyás mentén</em> (« Des enfants jouent au bord d’un cours d’eau »), 1934 © FSZEK
    10a. Imre Kinszki, Gyerekek egy vízfolyás mentén (« Des enfants jouent au bord d’un cours d’eau »), 1934 © FSZEK

    « En usant d’un terme scientifique, on appelle écologie, à savoir science de l’habitat, cette branche des sciences de la vie qui examine les relations, les rapports entre les êtres vivants et leur environnement, leur habitat. Immortaliser les écarts, les variations de ces rapports est aussi la tâche du photographe naturaliste. L’expansion des zones habitées et des villes influe fortement sur la flore et la faune de la région, en contraignant souvent les espèces qui y vivent à adopter de nouvelles habitudes, à s’adapter. […]
  • 10b. Imre Kinszki, <em>Vízmederben játszó gyermekek</em> (« Enfants jouant dans un canal »), 1932 © FSZEK
    10b. Imre Kinszki, Vízmederben játszó gyermekek (« Enfants jouant dans un canal »), 1932 © FSZEK

    En Angleterre, aux États-Unis, la photographie naturaliste est aujourd’hui devenue quasiment un sport de masse et celui qui la pratique n’y trouve presque plus de territoires inexploités ; tandis que chez nous, c’est encore pour ainsi dire une zone inexplorée, où même le débutant peut s’enrichir à chaque pas de découvertes intéressantes.


    (“Photographie naturaliste”, p. 562)

11.

« Pour finir, qu’il nous soit permis de dire quelques mots sur les falsifications. Ce sont les amateurs ambitieux qui commettent un certain type de falsification lorsqu’ils veulent à tout prix une “belle image” remarquable et, dans leur effort pour l’obtenir, ils épinglent un grand papillon porte-queue sur un dahlia ou ils “attrapent” quelque oiseau empaillé au moment précis où il avale une immense sauterelle. […] Habituellement, la fin de l’affaire, c’est du reste que quelqu’un parmi les spectateurs épinglera l’image comme “supercherie” et la livrera ainsi au mépris du public, que la photographie en question — malgré tout ce qu’elle peut avoir d’inoffensif par ailleurs — se mérite bel et bien. Au bout du compte, la tâche de la photographie, même si elle n’est pas la représentation servile de la réalité, est du moins l’interprétation de la réalité, son explication ; à la réalité elle-même, elle ne saurait toutefois renoncer. » (Imre Kinszki, « Photographie naturaliste », p. 562)

  • 11a. Imre Kinszki, <em>Hajóhinta</em> (« Balançoire en forme de bateau »), 1933 © FSZEK
    11a. Imre Kinszki, Hajóhinta (« Balançoire en forme de bateau »), 1933 © FSZEK

    « Pour finir, qu’il nous soit permis de dire quelques mots sur les falsifications. Ce sont les amateurs ambitieux qui commettent un certain type de falsification lorsqu’ils veulent à tout prix une “belle image” remarquable et, dans leur effort pour l’obtenir, ils épinglent un grand papillon porte-queue sur un dahlia ou ils “attrapent” quelque oiseau empaillé au moment précis où il avale une immense sauterelle.
  • 11b. Imre Kinszki, <em>Zeppelin léghajó Zugló felett</em> (« Le dirigeable Zeppelin au-dessus de Zugló »), 1931 © FSZEK
    11b. Imre Kinszki, Zeppelin léghajó Zugló felett (« Le dirigeable Zeppelin au-dessus de Zugló »), 1931 © FSZEK

    Habituellement, la fin de l’affaire, c’est du reste que quelqu’un parmi les spectateurs épinglera l’image comme “supercherie” et la livrera ainsi au mépris du public, que la photographie en question — malgré tout ce qu’elle peut avoir d’inoffensif par ailleurs — se mérite bel et bien. Au bout du compte, la tâche de la photographie, même si elle n’est pas la représentation servile de la réalité, est du moins l’interprétation de la réalité, son explication ; à la réalité elle-même, elle ne saurait toutefois renoncer.

    (“Photographie naturaliste”, p. 562)

Notes

Je tiens à remercier chaleureusement Dork Zabunyan pour son invitation à développer l’aperçu de l’œuvre d’Imre Kinszki que l’on trouve en introduction à Pour une écologie des images (Minuit, 2021)

1 Voir Peter Szendy, Le Supermarché du visible. Essai d’iconomie (Minuit, 2017).


Crédits photographiques

1a. Imre Kinszki, A piarista gimnázium alatti átjáró (« Le passage souterrain sous le lycée piariste »), vers 1930. Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény ; bibFSZ01497088, noir et blanc, 4,5 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki.
1b. Imre Kinszki, Járókelők egy villa díszrácsos kapuja előtt,1933. Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01498682, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki.

2a. Imre Kinszki, Pihenő szállítómunkás fekszik egy lovas kocsi szállítmányán, 1934; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497114, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki
2b. Imre Kinszki, Járókelők esőben, 1932; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497071, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki

3a. Imre Kinszki, Feltorlódott jégtáblák a Dunán, 1928; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497744, noir et blanc, 4,5 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki
3b. Imre Kinszki, Az Orczy-ház bontása, 1932[?]; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497801, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki

4a. Imre Kinszki, A főváros köztisztasági vállalatának víztartályos lovas fogata, 1936; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01499763, noir et blanc, 4,5 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki
4b. Imre Kinszki, Az Állatkert közönsége, 1931; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01498546, noir et blanc, 4,5 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki

5a. Imre Kinszki, Mikor jó a textiláru (« Qu’est-ce qu’un bon tissu »), p. 1 – détail, 1935 Courtesy Judít Kinszki
5b. Imre Kinszki, Utca ellenfényben, 1935; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01500119, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki

6a. Imre Kinszki, Elöntött utcán, vers 1930; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497073, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki
6b. Imre Kinszki, Fénycsíkok a Lánchíd budai villamos-aluljáróban, vers 1930; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01498939, noir et blanc, 9 × 6,5cm. Courtesy Judít Kinszki

7a. Possiblement un autoportrait. Kinszki Imre fényképezés közben egy erdőben, 1936; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497058, noir et blanc, 6 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki
7b. Imre Kinszki, Lámpagyújtogató, 1931; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01499571, noir et blanc, 9 × 6,5cm. Courtesy Judít Kinszki

8a et 8b. Imre Kinszki, Fénykép készül a parkban, sétáló emberek, 1935; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497736 et bibFSZ01497739, noir et blanc, 4,5 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki

9a. Imre Kinszki, Friss újság, 1932; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01498937, noir et blanc, 9 × 6,5cm. Courtesy Judít Kinszki
9b. Imre Kinszki, A Keleti pályaudvar várócsarnoka, 1934; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497791, noir et blanc, 4,5 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki

10a. Imre Kinszki, Gyerekek egy vízfolyás mentén , 1934; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01499759, noir et blanc, 6 × 6cm. Courtesy Judít Kinszki
10b. Imre Kinszki, Vízmederben játszó gyermekek, 1932; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01498538, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki

11a. Imre Kinszki, Hajóhinta, 1933; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01497205, noir et blanc, 6 × 4,5cm. Courtesy Judít Kinszki
11b. Imre Kinszki, Zeppelin léghajó Zugló felett, 1931; Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár, Budapest Gyűjtemény; bibFSZ01498941, noir et blanc, 9 × 6,5cm. Courtesy Judít Kinszki