Le duo Cortis & Sonderegger s’illustre depuis plusieurs années en reconstituant en studio des photographies existantes. À chaque fois, les deux Zurichois construisent minutieusement un modèle réduit de la scène telle qu’elle apparaît à l’image, ajustent précisément les lumières pour se conformer à l’original, utilisent une optique identique à celle utilisée, mais prennent soin de rendre bien visible leur travail de reconstitution.
Leurs photographies ne sont pas illusionnistes, ce ne sont pas des simulacres mais des artifices. Elles n’entretiennent pas la confusion entre l’original et la copie mais montrent que toute image, y compris un instantané, est une construction dont on peut, pour ainsi dire, faire le « making of ». Leur commander un « tuto » permettait, sur le modèle actualisé des récréations photographiques apparues à la fin du 19e siècle, d’aborder en se distrayant la question de la fausse transparence photographique. Jusqu’à maintenant, Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger s’intéressaient à des icônes de l’histoire et de l’histoire de la photographie, depuis Le Point de vue du Gras de Nicéphore Niépce jusqu’à la colonne de chars bloquée par un manifestant place Tien’anmen de Stuart Franklin. Récemment, ils ont ajouté une strate à leur exploration des images en reconstituant une reconstitution. Ils ont, en effet, repris Büro (1995), œuvre de Thomas Demand qui recomposait, en papier et carton, une photographie de presse montrant l’intérieur d’un bureau de la Stasi après la chute du mur de Berlin. C’est cette ultime mise en abîme, Making of “Büro” (by Thomas Demand, 1995) [2020], que le duo a accepté de présenter et, si je peux me permettre, vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
Étienne Hatt