La notion d’index, qui fait de la photographie une empreinte du réel, s’est imposée dans le dernier quart du 20e siècle dans les débats théoriques sur l’essence de la photographie. Les Notes sur l’index (1977) de Rosalind Krauss en avait fourni la définition : « Toute photographie est le résultat d’une empreinte physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière. La photographie est donc le type d’icône ou de représentation visuelle qui a avec son objet une relation indicielle. » Depuis, l’inscription du réel propre à l’ère analogique de la photographie a été mise à mal par sa transcription numérique mais, à leur manière, les anthotypes de Léa Habourdin lui donnent une nouvelle actualité en utilisant la matière même du référent pour faire image.

Écoutons la photographe qui, née en 1985, a étudié l’estampe à l’école Estienne, puis la photographie à l’école d’Arles : « Attentive à la diversité des formes de vie, ma pratique veut dessiner d’autres manières d’entrer en résonance avec le monde. Voilà plusieurs années maintenant que je développe une observation du vivant, de la fin des mondes et des besoins de survie. » Recourant d’abord aux techniques conventionnelles fortement polluantes pour des séries comme Les Chiens de fusil (2009-11), qui mettait en regard la parade et la prédation humaines et animales, ou Survivalists (2014-16), qui faisait écho aux discours sur l’effondrement, Léa Habourdin s’est tournée vers l’anthotype, un procédé naturel qui utilise la photosensibilité des plantes, pour réaliser un projet au long cours sur les forêts. Elle l’explicite dans ce tutoriel en manière de récréation photographique contemporaine. Inscription du monde, la photographie se libère de son impact écologique. C’est une empreinte sans empreinte.

Étienne Hatt