Exposition
Basim Magdy
Il n’y aura pas d’étoiles filantes. Satellite 9 : une proposition de Heidi Ballet
Du 18 octobre 2016 au 15 janvier 2017
Jeu de Paume - Paris
Voir le portrait filmé de l’exposition :
Certains des films de Basim Magdy sont comme des essais visuels empreints de surréalisme,
qui captent l’espace où s’engouffrent désirs vains et désillusions. Ce sont des réflexions pleines
d’humour et de scepticisme sur les utopies, qui mettent en question les faits scientifiques et nos
espoirs de contre-utopies. Le récit, dans ces films, prend souvent place à l’instant qui précède la
révélation que notre vision idéalisée de l’avenir tourne court.
The Dent (2014), par exemple, décrit l’effervescence qui s’empare d’un petit village à la
perspective d’être sélectionné pour les Jeux olympiques. Lorsque les habitants, qui n’ont
pas ménagé leur peine, comprennent que l’échec est inévitable, ils changent de stratégie et
immobilisent un cirque. Dans un autre film intitulé The Everyday Ritual of Solitude Hatching
Monkeys (2014), un homme compose un numéro de téléphone au hasard et raconte comment,
ayant déménagé pour vivre aussi loin que possible de l’eau, il s’est retrouvé totalement seul
après que tous les membres de sa nouvelle communauté, partis à la plage, n’en sont jamais
revenus.
Le point de vue adopté par Magdy est celui de l’observateur extérieur, qui interroge ce qui
pousse les hommes à vouloir fabriquer des mythes collectifs. Ses films exposent les aspirations
et idéologies qui guident les actions mises en œuvre par l’homme afin de construire la cohésion
du groupe, soit en exagérant l’importance d’un mythe fondateur, soit à l’inverse en faisant
accroire l’idée d’un avenir glorieux. Cette dynamique, qui tend à enjoliver les faits en leur
adjoignant des bribes de fiction, peut remplir la même fonction que les histoires nationales ou
les sagas familiales, à savoir souligner une particularité qui justifie l’exception présente. Dans
les récits de Madgy, la mise en œuvre d’un but élevé est presque toujours sujette à désillusion
dès lors que les grands desseins se voient confrontés à la réalité et les individus contraints de se
résigner à la banalité du quotidien.
Dans No Shooting Stars [Il n’y aura pas d’étoiles filantes], l’artiste couvre un territoire vierge de
mythe fondateur, à savoir l’immensité de l’océan. L’espace aquatique est certes présent dans
la plupart des récits religieux concernant la création, et la science y voit même l’origine de la
vie. Cependant, hormis la reconnaissance du rôle joué par l’eau en tant que source de vie,
les civilisations terriennes n’accordent guère d’importance aux océans. L’océan est comme
un territoire endormi aux marges de notre conscience, qui n’a pas sa place dans les livres
d’histoire puisqu’il n’a jamais été dans l’intérêt d’aucun groupe de s’en proclamer résident. Au
contraire, dans la psychologie collective, le grand large, pris dans la dichotomie terre/eau, est
le lieu tout désigné pour accueillir les vagabonds et les prisonniers, et à ce titre représente le
versant négatif de la terre, où l’ordre est censé régner.
Cette nouvelle œuvre de Basim Magdy se construit autour du récit d’une personne dont
l’identité se confond avec l’océan, d’une entité qui cherche à percer les secrets du monde
sous-marin. Le film est fait d’une succession d’images se fondant les unes dans les autres et de
scènes oniriques qui entrent en discordance avec le récit. Si certaines images nous montrent
ce qui se passe sous l’eau, la plupart décrivent des espaces qui, bien que touchés par le
mystère de l’océan, ne peuvent cependant pas l’éclairer. La fable du narrateur emprunte la
voie sinueuse de la poésie, intensifiant les sentiments existants plutôt qu’elle ne comble le désir
d’explication et transportant le récit à travers les méandres de l’imagination. La surface de
l’océan nous est relativement familière – nombre d’explorateurs et de navires l’ont sillonnée
au fil des siècles –, mais personne n’a encore cartographié ses abîmes. Selon Jung, l’océan
représente notre inconscient, cette immense part de notre activité mentale que nous ne
pouvons contrôler. La voix du narrateur – est-il monstre marin, sirène ou tortue de mer ? –
nous berce familièrement, mais son image s’évanouit à peine a-t-elle pris forme, en parfaite
logique avec la mobilité et l’instabilité de l’univers aquatique.
Le titre, No Shooting Stars, fait écho à ces mots du film : « Dans ces abîmes il n’y a pas
d’étoiles filantes / Dans ces abîmes gît une existence / Où vos désirs ne seront pas exaucés. » Magdy qui, dans ses films antérieurs, traitait du désenchantement qu’engendrent les attentes déçues, témoigne ici d’un immense respect à l’égard de l’inconnu. Se plaçant dans une
perspective d’humilité, il prend acte des limites de notre savoir et laisse entendre que certaines
choses, inconnues de nous, le resteront peut-être à jamais. Renonçant lui-même au projet de
capter l’essence de l’espace aquatique, il déroule le film comme une méditation sur ce que
l’océan laisse entrevoir de son mystère.
Commissaire : Heidi Ballet
Partenaires
Exposition présentée dans le cadre de la programmation Satellite coproduite par le Jeu de Paume,
la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP)
et le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux.
La Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques est partenaire permanent de la programmation Satellite
Les Amis du CAPC
contribuent à la production des œuvres de la programmation Satellite.
Le Jeu de Paume est membre des réseaux Tram et d.c.a, association française de développement des centres d’art.
Partenaires média
Art press, ParisArt, Souvenirs from earth TV.