Anke Abraham. Bobigny, 10 juin 1990, projet "Ce que dit le corps du danseur"
© Marc Pataut

Archive magazine (2009 – 2021)

À propos des expositions d'été, par Quentin Bajac

C'est avec de nouveaux horaires que le Jeu de Paume a ouvert une saison estivale franco-américaine, avec trois expositions monographiques consacrées respectivement, à Sally Mann, Marc Pataut et Ben Thorp Brown.



Au premier étage, l’exposition « Sally Mann, Mille et un passages » est la seule étape hors du territoire américain d’une exposition rétrospective consacrée à une grande photographe américaine que le public français connaît sans doute mal, car son travail a finalement été peu montré de ce côté-ci de l’Atlantique. En une centaine d’images, dont une grande partie d’inédits, on y retrouve l’essentiel de son œuvre, profondément marqué par le poids de l’histoire : celle intime, biographique, familiale de l’artiste et celle, collective, du Sud des États-Unis où Sally Mann est née et où elle vit encore aujourd’hui.
La beauté lyrique, séduisante de ces images ne doit pas nous faire oublier la gravité de l’œuvre : c’est bien ici du passage de temps, de la disparition, de la fragilité des corps dont il est question comme d’une histoire américaine traversée par l’esclavage et la ségrégation raciale. Cet œuvre, qui réexplore des techniques anciennes, pourrait être qualifiée d’intemporelle, s’il ne faisait pas tellement écho à certains soubresauts de la société américaine d’aujourd’hui.

Sally Mann, Deep South, Untitled (Scarred Tree), 1998, Gelatin silver print. National Gallery of Art, Washington, Alfred H. Moses and Fern M. Schad Fund © Sally Mann



Au rez-de-chaussée se déploie l’exposition « Marc Pataut, De Proche en Proche », la première de cette ampleur à être consacrée à cet artiste dans une institution française. Elle rassemble une quinzaine de séries, allant du milieu des années quatre-vingts à des travaux très récents. L’ensemble éclaire cette volonté qui a toujours animé le travail de Marc Pataut de faire des images autrement : non seulement de sculpter avec la photographie, mais également de faire de la photographie l’outil d’une relation plus juste au monde et à ses modèles.
Avec sa scénographie sans cimaises ajoutées, l’exposition adopte une forme ouverte : elle sera tout l’été un espace de rencontres et de débats, à travers une riche programmation culturelle – puisqu’une dizaine d’événements et de manifestations de nature très différente, s’y dérouleront jusqu’en septembre.

Marc Pataut, Le bain de Natacha , Saint Denis, Sunday, July 3, 1994, “Le Cornillon – Grand Stade” series © Marc Pataut



Enfin, au niveau -1, vous pourrez découvrir « L’Arcadia Center » de Ben Thorp Brown, nouvelle installation composée d’une pièce sonore, d’une sculpture et d’une surprenante vidéo produite pour l’occasion : le principal protagoniste du film, une tortue, guide le visiteur à travers l’architecture moderne de Richard et Dion Neutra, occasion d’une confrontation étonnante entre culture et nature, mythologie et modernité.
Bonne visite !


Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume

Ben Thorp Brown, Cura, 2019, vidéo. Coproduction Jeu de Paume, Paris, CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux & Museo Amparo, Puebla © Ben Thorp Brown