Archive magazine (2009 – 2021)
Le chant de Miriam Makeba
L’installation intitulée Standing Here Wondering Which Way to Go réunit plusieurs œuvres de Zineb Sedira. Ce morceau de pellicule provient du film de William Klein, Le Festival panafricain d’Alger 1969.
Tourné au moment de cet événement culturel et politique d’une ampleur inédite, le film constitue un document unique qui a beaucoup influencé Zineb Sedira. Coordonné par l’Organisation de l’Unité Africaine et financé en grande partie par l’État algérien, le festival rassemble différents mouvements de libération provenant de toute l’Afrique, mais aussi d’Amérique latine et des États-Unis, notamment les Black Panthers, venus clamer leur volonté d’émancipation à Alger, devenue depuis 1962 « la Mecque des révolutionnaires ». Les organisateurs, comme le président de la République algérienne Houari Boumédiène, en sont convaincus : face à l’uniformisation induite par la colonisation et l’impérialisme, seule l’affirmation des cultures et de la diversité pourra constituer le fondement des révolutions à venir. Les délégations de chaque pays ou mouvement présentent des expositions, représentations théâtrales et performances de rue, mêlant danse, chants et musique. Le film restitue toute l’énergie et la frénésie de cet instant. Avec le titre We Have Come Back, Archie Shepp, figure afro-américaine du free jazz, accompagné pour l’occasion de musiciens algériens, puise dans les racines de la musique pour mieux traduire son combat culturel et politique. La militante sud-africaine Miriam Makeba, qui a joué dans le film de Lionel Rogosin Come Back Africa en 1959, chante contre l’Apartheid et pour les droits civiques aux États-Unis. Déchue de sa nationalité sud-africaine, elle se réfugie en Algérie, qui lui offre l’asile. Les infimes mouvements de son visage filmés par William Klein tout comme l’image de la bande-son courant sur le côté gauche de la pellicule et observés ici sous la loupe de Zineb Sedira, apparaissent encore aujourd’hui tels les soubresauts des révolutions des années 1960.
Ève Lepaon