Peter Hujar, Candy Darling on her Deathbed, 1973. Tirage gélatino-argentique, Collection Ronay and Richard Menschel © Peter Hujar Archive, LLC, courtesy Pace/MacGill Gallery, New York et Fraenkel Gallery, San Francisco

Archive magazine (2009 – 2021)

« Speed of Life »

Superstar warholienne, égérie de la Factory, Candy Darling, née James Lawrence Slattery, fut l’une des figures marquantes de la scène artistique new yorkaise des années 1960 et du début des années 1970.



Muse des artistes et des musiciens underground, elle inspire Lou Reed à deux reprises : la chanson Candy Says raconte les difficultés d’une jeune femme transgenre à accepter son corps et son identité de naissance et le célèbre titre Walk on the Wild Side la met en scène parmi d’autres personnages hauts en couleur. Le corps, rêvé, fantasmé, transformé, source de plaisir et de souffrance est une des problématiques de sa vie et la cause de sa fin prématurée : une leucémie diagnostiquée avant ses trente ans lui laisse peu de chance de survie. Elle épouse alors l’art de la performance jusqu’au bout, transformant ses séjours à l’hôpital en actes d’une œuvre théâtrale dont elle est l’héroïne.

En témoigne ce portrait de Peter Hujar, photographe fréquentant assidument la scène artistique de l’East Village, qui se lie d’amitié avec Candy Darling et lui rend visite au Columbus Hospital en 1973. Hujar réalise l’une des dernières images de la jeune femme sur son lit d’hôpital, étrange persistance du glamour hollywoodien dans un décor macabre. Les cheveux blonds et la pose lascive côtoient un maquillage rappelant le visage des actrices du cinéma muet mais aussi un masque mortuaire. Les fleurs blanches se détachant sur un noir profond semblent être les dernières lueurs attachant Candy à la vie. Les contrastes extrêmes de cette photographie nous font presque oublier les éléments triviaux qui ramènent le spectateur à la cruelle réalité de la chambre d’hôpital, la tablette près du lit et l’éclairage blafard au néon. Hujar raconte que pour cette séance de prise de vue, Candy Darling joua « toutes les scènes de mort de tous les films. »

Actrice jusqu’au bout, elle incarne ce que Susan Sontag a théorisé sous le nom de Camp en 1964 : le jeu, l’opposé du sérieux, mais aussi une introspection de son moi profond, souvent hors des normes établies et acceptées par la société. Candy Darling on her Deathbed fut l’une des œuvres phare de la rétrospective consacrée au travail de Peter Hujar au Jeu de Paume en 2019, intitulée justement « Speed of Life », titre inspiré d’un autre univers musical proche, celui de David Bowie. De nombreux visiteurs furent aussi surpris de reconnaître, à travers cette photographie, la pochette du deuxième album d’Antony and the Johnsons, I am a Bird Now, sorti en 2005. La trajectoire de Candy Darling, digne d’un mélodrame hollywoodien, aussi fulgurante qu’étincelante, laisse derrière elle de longues traînées de paillettes.

Cécile Tourneur

Peter Hujar, Speed of Life
Peter Hujar / Librairie