
Création en ligne
Digital Raubkunst (Rose)
Aurélien Bambagioni
Du 17 septembre 2025 au 31 janvier 2026
Jeu de Paume – en ligne
Aurélien Bambagioni est l’artiste invité de l’espace de création en ligne du Jeu de Paume en 2025.
Suite à son film L’île artificielle (2023, film, 67’) dans lequel il sollicite l’aide d’une IA pour réaliser l’adaptation cinématographique du roman L’île au Rébus de Peter May, Bambagioni a été invité à travailler sur un nouveau projet utilisant des intelligences artificielles. Digital Raubkunst (Rose), 2025 est un projet conçu et produit spécialement pour l’espace de création en ligne du Jeu de Paume.
Cette œuvre en ligne propose au spectateur de pénétrer dans des salles du Jeu de Paume dans les années 1940 pour visiter une exposition qui relie le présent au passé et dénoncer une double réappropriation : la première liée à l’histoire du lieu et la seconde à l’utilisation des contenus par les IA. Le titre de cette pièce « Art volé digital » fait référence à cette double spoliation.
Digital Raubkunst (Rose) est une collection de vidéos dans laquelle une IA générative réinterprète une sélection de pièces issues de la base de données Rose Valland (MNR – Jeu de Paume) du Service des musées de France. Ce site Internet répertorie, entre autres, les objets pillés par le gouvernement nazi, notamment les œuvres d’art exposées au Jeu de Paume, afin de permettre leur identification et leur restitution. En effet, entre 1939 et 1944, le musée est réquisitionné pour devenir le lieu de transit et d’entrepôt des œuvres d’art spoliées par l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg. Ici même, Rose Valland, assistante de conservation, réalise clandestinement l’inventaire de plus de 60 000 œuvres d’art saisies par les nazis aux institutions françaises et aux familles juives pendant l’Occupation, ce qui facilitera leur restitution après-guerre.
Bambagioni invite un outil conversationnel utilisant une intelligence artificielle générative à s’approprier des objets très divers – sculptures, tapis, mobiliers ou bijoux – pour créer une nouvelle œuvre fictive qui apparait suspendue au milieu des salles et dont le cartel précise les côtes de chaque objet assemblé. La voix synthétique de Rose Valland, développée elle aussi grâce à un outil d’IA, accompagne la vidéo pour offrir une narration qui témoigne du métier de cette conservatrice et raconte l’histoire des objets. Ce récit est essentiel et détermine la fiction globale de l’œuvre. De même, l’artiste a souhaité ancrer la visite des internautes dans le temps précis où elle a lieu : les salles du Jeu de Paume apparaissent dans la pénombre ou éclairées selon l’heure de connexion :en dehors ou pendant les horaires d’ouverture du musée.
Ces objets hybrides, et d’une beauté synthétique étrange, incarnent et mettent en parallèle la monstruosité de la spoliation ainsi que le non-sens de l’assemblage d’images par certains logiciels d’IA. Ils semblent revendiquer leurs aut.eurs.rices et le contexte de leur création, sans lesquels ils deviennent vides de sens, car chaque situation précise – historique, culturelle ou personnelle – reste intrinsèquement liée à l’oeuvre et permet son interpretation.
De la même manière, ces pièces opposent la sensibilité de Rose Valland, qui décrit avec sa voix le matériel sensible et politique qui passe devant ses yeux, à l’indifférence des IA face à l’Histoire.
Ce projet artistique est également une invitation à réfléchir sur les limites et conséquences des usages des IA génératives et nous incite à placer notre regard de manière plus réflexive et pointue sur les images qui circulent dans les réseaux.
Marta Ponsa
L’œuvre n’est pas praticable depuis un téléphone mobile.
BIOGRAPHIE
Né en 1975, Aurélien Bambagioni est artiste, vidéaste et écrivain. Diplômé de l’École nationale supérieure d’art de Bourges, il a participé à la première édition du Collège Invisible, post-diplôme de l’École supérieure d’art & de design Marseille-Méditerranée en 2001. Depuis 2005, il enseigne les arts connectés à l’école supérieure d’art de Poitiers (ÉESI, Angoulême-Poitiers).
Installé entre Paris et l’île de Groix en Bretagne, Aurélien Bambagioni explore à travers son travail artistique les interactions entre médias numériques, diffusion de l’information et partage collectif.
Depuis quelques années, il étudie la relation complexe entre l’homme et son environnement, mettant en lumière les défis de la modernité face à la puissance de la nature, il intègre des éléments de récit et d’anticipation dans ses films, via le montage et l’ajout de textes mêlant topographie, histoire et relation personnelle à un lieu, une figure ou un évènement. Aurélien Bambagioni tente ainsi de susciter une réflexion sur la fragilité et la résilience de ces éléments face notamment aux changements climatiques et à l’obsolescence. L’utilisation d’intelligences artificielles génératives pour L’île artificielle ou Digital Raubkunst (Rose) s’inscrit dans le cadre de ses recherches actuelles.
Il a participé à de nombreuses expositions telles que « Hable con ella – Dialogue avec l’IA » à la galerie Analix Forever à Genève en 2024, « L’archipel des sentinelles » au Musée national de la Marine à Rochefort en 2021, « La vanité du monde » au Palais de Tokyo en 2012 ou encore à la « Nuit blanche 2006 » au Centre Georges Pompidou à Paris. Il a également collaboré avec Le Bal à plusieurs reprises. En 2025, il est nommé pour le Prix Opline.
Il est représenté par la galerie Analix Forever à Genève.