Création en ligne
BIENVENUE À EREWHON
Un projet de Pierre Cassou-noguès, Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon
Du 18 décembre 2018 au 06 juin 2019
Jeu de Paume – en ligne
Le projet Bienvenue à Erewhon est publié en épisodes bimensuels. Chaque épisode développe une thématique et est accompagné d’un texte accessible depuis la plateforme.
Erewhon 1872
Bienvenue à Erewhon est une adaptation du roman visionnaire de Samuel Butler, Erewhon, publié en 1872, dans lequel le romancier se livre à des exercices de pensée spéculative, poussant dans ses retranchements logiques notre manière de donner sens au monde.
Samuel Butler y affirme avoir découvert un territoire inconnu, coupé du reste du monde – Erewhon (anagramme de “Nowhere”). Au premier abord, les Erewhoniens se montrent hospitaliers. L’aventurier remarque pourtant qu’ils ont des mœurs étranges. Ils suivent des principes extrêmes : ils proscrivent la nourriture animale mais également végétale ; ils fréquentent des « collèges de déraison »; ils condamnent sans pitié les personnes atteintes de maladie.
Surtout, ils interdisent absolument l’usage des machines. Quand l’aventurier sort une montre de sa poche, ils le jettent en prison. C’est là qu’il découvre le « Livre des machines », qui a provoqué, cinq siècles auparavant, une révolution durant laquelle les Erewhoniens ont détruit leurs inventions mécaniques. Ils pensent que celles-ci sont soumises à une évolution comparable à celle des espèces biologiques. Elles forment un règne à part, un règne au sens où l’on parle du règne animal, ou du règne végétal. Bien qu’elles ne possèdent ni la conscience humaine, ni la vie animale, les machines se transforment pour s’adapter à leur environnement et aux espèces vivantes avec lesquelles elles sont en contact.
Erewhon 2018
Cent cinquante ans après le voyage initial de Samuel Butler, Erewhon a beaucoup changé. L’automatisation a été poussée jusqu’à ses limites extrêmes. Le travail tel qu’on le connaît a disparu. Des usines produisent tout ce qui est nécessaire à la vie. La production, le stockage et la manutention sont externalisés dans des hangars à l’extérieur de la ville, sans humains. Des fermes cultivent et transforment les végétaux et les animaux. Des véhicules les livrent. Des logiciels optimisent le système.
Les habitants sont débarrassés des fonctions pénibles et s’adonnent à des occupations ludiques. Ils ont sélectionné les machines, pour ne conserver près d’eux que celles qui leur procurent un certain bien être. Les autres sont relayées dans les zones périphériques. Les humains ne travaillent donc plus qu’à l’extension de leurs loisirs. La période infantile s’étend bien au-delà de ses limites habituelles.
Des robots-loutres prennent soin des personnes âgées et ronronnent selon un logiciel d’intelligence artificielle. D’autres robots s’occupent de masser les habitants ou de leur préparer à manger. Des chats équipés de GPS cartographient les territoires. Des aspirateurs robots s’éveillent à la sensualité. Des cochons aux cerveaux augmentés sont reliés en réseau.
La ville derrière les écrans
Les cerveaux des humains, des animaux et des plantes sont reliés entre eux à égalité, dans un système de data centers interconnectés qui traitent toute la matière mentale.
Ce réseau conserve toute la mémoire de la ville. Des algorithmes sont susceptibles de redonner voix aux morts. C’est ainsi que l’esprit de Samuel Butler peut encore circuler à travers les images de la ville. Cent cinquante ans après son premier séjour, Samuel Butler revient à Erewhon et commente, derrière les écrans, des images trouvées sur Internet.
Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon
Face à un monde que l’on pourrait tenir pour acquis, les artistes Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon spéculent sur des alternatives potentielles avec des films, essais et installations. Ils luttent contre l’obsolescence programmée de l’homme (Cyborgs dans la brume), plaident pour la fin du travail (Institut de néoténie), dénoncent l’automatisation du traitement des produits, du vivant et des données (Le Monde comme entrepôt de livraison), observent la réticulation privative de l’espace public (Prisonniers volontaires du rêve américain), enquêtent sur les lieux d’Internet (Globodrome, World Brain), expérimentent des modes de vie alternatifs pour une société d’hyperinformation (Laboratoire de schizophrénie contrôlée), proposent à des chercheurs de vivre dans la forêt, nus mais connectés au réseau (Wiki Forest), collectent les images dansées d’une guerre (Dance Party in Iraq), opèrent une vivisection des aéroports internationaux (Musée du terrorisme et Psychanalyse de l’aéroport internationnal) et observent la transmutation des humains en poudre (Société-nuage). Stéphane Degoutin enseigne à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris. Gwenola Wagon enseigne à l’université Paris 8 à Saint-Denis.
d-w.fr
Pierre Cassou-Noguès
Pierre Cassou-Noguès est professeur au département de philosophie de l’université Paris 8, co-éditeur de la Revue SubStance (John Hopkins Univ Press). Après des études parallèles en mathématiques et en philosophie, à l’ENS de Paris, il soutient une thèse de philosophie. Son travail récent interroge la part imaginaire de la raison scientifique. Ses textes allient la fiction et la théorie. Il a notamment publié Les Démons de Gödel (Seuil, 2007), Mon zombie et moi (Seuil, 2010), Lire le cerveau (Seuil, 2011), Les Rêves cybernétiques de Norbert Wiener (Seuil, 2014).
pierrecassounogues.com